Plus de 2.500 arrestations et un enterrement
La région aux confins de la Thaïlande, de la Birmanie et du Laos, ouverte à tous les trafics, fait l’objet d’une surveillance policière accrue. Mais les experts estiment que le chemin est encore long avant de “nettoyer” le Triangle d’Or qui vient, d’autre part, de perdre une figure historique.
En octobre 2011, 13 marins chinois ont été assassinés sur leurs bateaux naviguant sur le Mékong. Depuis, Naw Kham, parrain birman de la drogue, et trois de ses acolytes, ont été exécutés en Chine pour cette tuerie dans laquelle des policiers thaïlandais véreux ont été impliqués. Et les deux navires aux impacts de balles encore visibles rouillent dans le port de Chiang Saen, porte thaïlandaise du Triangle d’Or.
Suite à ces assassinats, les autorités birmanes, thaïlandaises et laotiennes, aidées de la Chine, ont décidé d’unir leurs forces pour pacifier la région. Un Centre contre le crime sur le Mékong a ainsi été créé. Cette unité contrôle la navigation sur 17 km de frontière fluviale entre la Thaïlande et le Laos. Les quatre pays ont mené conjointement l’opération “Mékong sûr”. Elle a permis l’arrestation de 2.534 suspects et la saisie de près de 10 tonnes de drogue, selon les autorités thaïlandaises.
“Je ne suis pas convaincu”, tempère pourtant Pierre-Arnaud Chouvy, géographe au CNRS. “On a bien quelques cas de saisies très médiatisés, mais a priori pas d’évaluation de l’efficacité des patrouilles”. En outre, il existe “peu de grands réseaux, organisés de la production à la vente au détail”, souligne-t-il, décrivant des filières “à géométrie variable, avec beaucoup d’intermédiaires et notamment nombre de petits trafiquants non professionnels qui profitent des opportunités”. Le tout sur fond de corruption des officiers sur le terrain, qui “reste un problème en Thaïlande, où certains responsables sont sujets aux pots-de-vin”, selon le Département d’Etat américain. Paradorn Pattanatabut, patron du Conseil de sécurité nationale, l’admet lui-même en filigrane: “je ne le nie pas”, lâche-t-il à l’AFP. En promettant que les coupables seront punis.
L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) estime à un minimum de 1,4 milliard le nombre de pilules de yaba, nom thaïlandais des méthamphétamines, fabriquées chaque année dans la région. La plupart vient de petits laboratoires mobiles et isolés au cœur de la jungle de l’Etat Shan, dans l’est birman. Une marchandise estimée à 8,5 milliards de dollars, à laquelle il faut ajouter l’héroïne, en provenance aussi de Birmanie, deuxième producteur mondial d’opium derrière l’Afghanistan.
L’opium et l’héroïne qui ont fait la renommée de la région, premier producteur mondial il y a trente ans, avaient cédé la place aux méthamphétamines aux débuts des années 2000, à la faveur de politiques d’éradication du pavot. Mais “depuis 2006, la culture de l’opium a repris et augmente sur six années consécutives” note Tun Nay Soe, de l’ONUDC à Bangkok, décrivant des “niveaux alarmants” pour les opiacés comme pour les méthamphétamines.
Le Triangle d’Or “demeure à l’épicentre du trafic et de la production”. Du coup, les trafiquants sont plus menaçants, s’inquiète le général Manop, commandant de police à Chiang Saen, évoquant des “caravanes de 20 à 30 personnes” en armes à travers la jungle. Et les accrochages sont réguliers, comme lorsque huit trafiquants présumés ont été abattus par les forces de l’ordre, en 2012.
Même s’il reconnaît que la tâche est difficile, le général Manop assure toutefois que le fleuve est moins emprunté par les trafiquants qu’auparavant. La plupart des trafics se fait “par les terres hautes, le long de la frontière”.
Les trafics sont d’autant plus difficiles à éradiquer que les “parrains” locaux jouissent bien souvent d’un solide enracinement au sein de la population locale car leurs “activités” directes ou indirectes font vivre des milliers de personnes.
Le 6 juillet, disparaissait à Rangoon, à l’âge de 80 ans, Lo Hsing Han, considéré par le Département d’État américain, comme le “parrain de l’héroïne” birman. Dès le début des années 90, rapporte le quotidien Le Monde, l’homme a dirigé au moins 17 usines dans le pays. Il a fondé aussi le conglomérat Asia World qui se spécialise aussi bien dans la construction d’autoroutes, dans la gestion d’une chaîne de supermarchés et de compagnies de bus que dans la fabrication d’huile de palme. Les avoirs d’Asia World en Birmanie dépasseraient les 500 millions de dollars. L’enterrement de Lo Hsing Han s’est déroulé le 17 juillet à Rangoon. Des milliers de personnes y ont assisté, rapporte l’Irrawaddy.
LB avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mardi 23 juillet 2013
http://www.lepetitjournal.com/bangkok/accueil/actualite/159970-triangle-d-or-plus-de-2-500-arrestations-et-un-enterrement