L'ouverture en Birmanie offre-t-elle une opportunité d'investissements ?
... Après de longues années de fermeture économique, la Birmanie commence à s'ouvrir sur le monde. Il convient tout d'abord de rappeler que la Birmanie est un des pays les plus pauvres du Monde, et le plus pauvre d'Asie du Sud-Est. Toutefois, le pays semble pouvoir envisager l'avenir plus sereinement. En effet, le processus de démocratisation du pays enclenché depuis 2012 a permis l'arrêt des sanctions internationales en provenance des Etats-Unis et de l'Union européenne.
Dès lors, le pays s'est engagé dans un vaste programme de réforme visant notamment à attirer les capitaux étrangers et notamment les flux d'IDE (Investissements Directs Etrangers) via entre autres la création de zones industrielles et économiques spéciales (pour partie déjà existantes) en accordant des avantages fiscaux. Ainsi, la politique économique du pays est clairement axée sur l'ouverture au reste du monde avec une multiplication par cinq des IDE entrants au cours de l'année (300 millions de dollars en 2012 contre 1,5 milliards de dollars en 2013).
Le très faible niveau de développement du pays constitue à la fois un frein et une opportunité pour les investissements. En effet, il est toujours difficile de développer une activité économique dans un environnement où il y a manque cruel d'infrastructures. Néanmoins, cette situation est également une réelle opportunité pour des investissements dans un pays où tout, ou presque, est à construire.
Dans ce cadre, et malgré un potentiel énorme, l'aboutissement des projets est aléatoire. En effet, le pays fait toujours face à des difficultés politiques et techniques qui sont accentuées par une corruption endémique, un manque de culture orientée Business avec une administration fortement marquée par une culture militaire héritée de la junte et un système juridique parmi les moins favorables aux affaires dans le monde. Par conséquent, les investissements en Birmanie doivent nécessairement s'inscrire dans une optique de long terme où seuls les grands groupes peuvent en assumer le risque inhérent.
Toujours à long terme, le risque principal, et au-delà de la possible instabilité politique et des risques de change, c'est essentiellement le piège auxquels sont confrontés les pays aux sous-sols abondants mais dont la population demeure éternellement pauvre. Enfin, notons que la faible concurrence qui existe dans ce pays est en soi un énorme avantage pour des entreprises qui souhaiteraient s'orienter sur un des derniers marchés "frontière" quasiment inexploité.
Les relations économiques du pays avec ses voisins sont pour le moment très peu développées. Il faut mettre cela en parallèle avec la longue période pendant laquelle le pays a subi des sanctions internationales. L'économie du pays est encore proche de l'autarcie avec une production très peu diversifiée (confection textile, riz, minerais, bois, gaz et pétrole).
Toutefois, la levée des sanctions et son intégration au sein du marché commun de l'ASEAN devraient pouvoir développer les relations économiques régionales. Pour le moment, les flux commerciaux et d'investissement sont essentiellement réalisés avec la Chine, Hong-Kong, le Japon, la Corée du Sud et Singapour. Notons enfin que la Birmanie pourrait accéder au statut de SPG (Système de Préférence Généralisé) de l'Union européenne qui offre des avantages commerciaux aux pays pauvres.
La population ne semble pas pouvoir être un relais de croissance immédiat. Malgré une population importante qui oscille entre 55 et 65 millions d'habitants selon les estimations, le marché domestique est encore peu porteur avec une classe moyenne quasi inexistante, un PIB par habitant parmi les plus faibles du monde, une forte proportion vivant sous le seuil de pauvreté et une inflation encore importante.
Dès lors, malgré une consommation dynamique (+4% par an), sa contribution à la croissance économique est très faible. Par conséquent, le potentiel de consommation interne reste limité, au moins à court et moyen terme avant l'émergence d'une classe moyenne. Avec des estimations de taux de croissance économique entre +6,5% et 7% par an jusqu'en 2018, le pays devrait cependant pouvoir faire sortir une grande partie de sa population de la pauvreté, si toutefois les fruits de la croissance bénéficient aux populations.
En revanche, la taille de la population peut être une opportunité dans le secteur des télécoms. En effet, il y a moins de 10% de la population qui a accès au téléphone, et seulement 3% qui ont un téléphone portable. Dès lors, le gouvernement a lancé un appel d'offre auprès de onze opérateurs de téléphonie mobile qui a été remporté par le norvégien Telenor Mobile Communication, et le qatari Ooredoo (ex-Qatar Telecom). Les licences accordées ambitionnent de pouvoir abonner 80% de la population d'ici 2016 avec un objectif de lancement opérationnel à la mi-2014.
La pénétration du marché est très probable tant les besoins sont élevés, mais aussi et surtout grâce à la baisse significative du prix des cartes SIM qui sont passés de 25-30 dollars il y a un an à 2 dollars. Notons cependant que le français Orange et le japonais Marubeni Corporation sont en "embuscade" car les licences leurs seraient accordées si les opérateurs norvégiens et qatari ne répondaient pas au cahier des charges et s'avéraient incapables d'atteindre les objectifs.
La Birmanie est encore un pays largement agricole. En effet, 45% du PIB provient du secteur primaire. A ce titre, deux secteurs peuvent être privilégiés :
• Le numérique qui peut améliorer l'interactivité entre les acteurs de ce secteur et pour la diffusion et l'utilisation des données météorologiques pour améliorer les rendements, mais aussi obtenir les cours des céréales en direct afin de vendre au meilleur prix.
• Le secteur des biotechnologies peut également améliorer les rendements agricoles, notamment avec le riz hybride. A ce titre, les autorités birmanes semblent intéressées par des entreprises telles que DevGen et Syngenta.
La Birmanie manque cruellement d'infrastructures. Elle a notamment besoin de ports en eau profonde car ce manque limite considérablement son potentiel de croissance via les exportations maritimes. Le pays a également besoin de développer ses infrastructures routières et ferroviaires pour relier les différents nœuds d'activité du pays. Bouygues BTP est déjà présent dans le pays et une entreprise comme Lafarge (cimentier) doit probablement y prospecter.
A ce titre, il convient également de noter que des entreprises chinoises et indiennes seront probablement impliquées car la position géographique de la Birmanie est un carrefour naturel entre les deux plus grands marchés potentiels du monde. Il en va de même pour l'industrie électrique avec des blackouts courants et où la plupart des entreprises sur place doivent composer avec des générateurs. Le potentiel est important car la demande électrique devrait doubler d'ici 2015.
Le secteur hôtelier est probablement le moins évident instinctivement mais probablement un des plus porteur à terme. En effet, le pays a un marché hôtelier local très peu développé avec par exemple seulement 8'000 chambres d'hôtel dans la capitale (Rangoun). Dès lors, le potentiel de développement touristique n'est pas négligeable (un groupe comme Accor peu s'y intéresser), à fortiori quand on considère l'étendue des côtés maritimes et le fait que ce pays demeure encore largement méconnu et possède donc un attrait certain pour des touristes à la recherche d'une zone encore "inexplorée" et relativement vierge.
Néanmoins cet aspect prendra du temps, au moins celui nécessaire à la construction d'une image de marque moins synonyme de violence et d'instabilité. A ce titre, ce pays fait penser à la Thaïlande d'il y a 50 ans qui comptait 300'000 touristes par an avant de développer une politique touristique et compter maintenant près de 14 millions de touristes annuels.
Il y a enfin deux secteurs qu'il ne faut pas sous-estimer. En effet, le potentiel hydroélectrique est très important avec la construction de barrages. Enfin, le secteur manufacturier à faible valeur ajoutée, et notamment celui de la confection textile, pourrait bénéficier de la hausse des coûts de production en Chine (et notamment ceux liés au travail avec la hausse des salaires chinois) où ces industries ont tendance à se développer dans les pays périphériques de la Chine (Vietnam, Laos...) et dont le faible coût de la main d'œuvre birmane peut permettre de drainer une partie de cette activité.
La Birmanie détient beaucoup de matières premières. En effet, le sous-sol birman est riche en minerais et en pierres précieuses, mais aussi en gaz. A ce titre, les estimations font apparaître que le pays détient des réserves en gaz naturel qui feraient des champs birmans les 10èmes plus grandes réserves au monde). Le pétrole est également une autre matière première énergétique dont les pays bénéficie avec notamment l'entreprise Total qui est déjà implantée de longue date dans le pays, bénéficiant d'une dérogation aux sanctions. Il y a enfin le teck qui est un bois précieux qui est en abondance dans les forêts birmanes et dont le pays représente déjà 75% des exportations mondiales de teck naturel.
Les cours mondiaux des matières premières, énergétiques ou non, ne devraient pas ressentir cette ouverture de la Birmanie. En effet, les volumes concernés seraient certes potentiellement importants pour la Birmanie, mais ils demeureront relativement modestes au niveau mondial. Notons cependant que cela peut évoluer si les réserves s'avèrent en réalité largement sous-estimées, ce qui n'est pas totalement impossible étant donné les faibles moyens locaux en matière de prospection et le fait que les recherches ont été jusque-là mécaniquement bridées par le contexte politique.
De plus, les investissements nécessaires pour entamer une prospection sont longs et coûteux (à fortiori dans le domaine énergétique) et leur effectivité opérationnelle ne pourra pas intervenir à court terme ou moyen terme.
source : Sylvain Fontan, "Birmanie et opportunités d'investissements dans un marché "frontière" largement inexploité"
http://www.jolpress.com/birmanie-economie-investissements-minerais-reformes-article-823837.html