FRANÇOIS LELORD – “Il existe chez les Thaïlandais une aptitude au bonheur”
François Lelord est écrivain. Cet ancien psychiatre partage sa vie entre Paris et Bangkok. Ses contes philosophiques connaissent un grand succès en France et en Allemagne notamment depuis une vingtaine d’années. Le voyage d’Hector ou la recherche du bonheur a été traduit dans une trentaine de pays et fait l’objet d’une adaptation cinématographique.
Le Petit Journal.com : Comment avez-vous connu la Thaïlande ?
François Lelord : J’ai découvert la Thaïlande pour la première fois au mariage d’un ami au Wat Arun, puis j’y suis retourné régulièrement. Avec ma femme, nous avons découvert le parc Lumpini. Nous nous sommes dits que nous aimerions vivre dans ce quartier. En 2008, nous cherchions une base en Asie, Bangkok s’est imposée naturellement.
Pour quelles raisons ?
J’aime la Thaïlande parce que c’est un pays qui, contrairement à beaucoup d’autres de la région, a été épargné par les grandes tragédies du siècle passé. Cela se ressent dans l’attitude, l’état d’esprit des Thaïlandais. Il existe chez eux une aptitude au bonheur liée à l’absence de traumatisme passé. Pour un supposé spécialiste du bonheur comme moi, c’est le pays idéal. Bangkok offre le visage d’une mégalopole à la modernité bien organisée, avec un bon réseau de transports en commun, de beaux cinémas, des librairies de qualité, notamment celle d’o livier Jeandel au sein de l’Alliance française. Et dès que nous nous éloignons des grands axes, Bangkok reste très typique et traditionnel.
Comment avez-vous embrassé la carrière d’écrivain ?
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu écrire des romans… A l’âge de 40 ans, j’ai publié mon premier livre, Les contes d’un psychiatre ordinaire, aux éditions Odile Jacob. Mon idée était de mieux faire comprendre le travail d’un psychothérapeute en racontant des histoires de patients. J’ai ensuite co-écrit avec Christophe André(1) des essais autour de la psychologie : L’estime de soi, Comment gérer des personnalités difficiles, La force de l’émotion…
Comment vous est venue l’idée d’écrire Le voyage d’Hector ou la recherche du bonheur ?
En co-écrivant La force des émotions, je me suis aperçu que beaucoup de livres s’intéressaient aux émotions négatives, mais assez peu finalement aux émotions positives. Quand bien même, de nombreuses recherches étaient menées pour étudier les mécanismes du bonheur. J’ai donc écrit ce conte philosophique Le voyage d’Hector à la recherche du bonheur. Le livre raconte l’histoire d’un psychiatre qui parcourt le monde en demandant à différentes personnes de différents pays de lui expliquer ce qui les rend heureuses. J’avais écrit ce conte pour m’amuser, sans penser qu’il ferait beaucoup de ventes. Je trouvais le récit trop personnel. A ma grande surprise et à ma grande joie, ce fut un gros succès en Allemagne et un bon succès en France. Il a été traduit dans une trentaine de pays (2). Finalement raconter les aventures d’Hector m’a rendu heureux (sourire). J’ai écrit plusieurs suites à ce premier voyage (3). En septembre sortira en Allemagne, puis en France, Hector change de vie. Hector y racontera sa crise de la quarantaine…
Le voyage de Hector où la recherche du bonheur fait l’objet d’une adaptation au cinéma. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Le tournage se termine. J’ai récemment été invité à Shanghaï où sont tournées plusieurs scènes afin de rencontrer l’équipe du film. Le réalisateur, Peter Chelsom, est talentueux. Il a signé des comédies romantiques de belle qualité comme Serendipity ou encore Shall we dance ?. Simon Pegg(4) jouera le rôle d’Hector. Jean Reno prendra les traits d’un parrain de la drogue colombien. Pour un auteur, l’impression est à la fois étrange et excitante de voir des personnages sortis de son imagination être incarnés à l’écran par des acteurs fameux. Je suis certain que cette adaptation sera très réussie. La sortie est programmée au printemps 2014.
En février, vous avez publié aux éditions Lattès La petite marchande de souvenirs, votre premier roman… L’intrigue se passe à Hanoï où vous avez vécu.
Oui, tout à fait. Ce livre est très inspiré de mes années passées à Hanoi. J’y ai vécu notamment en 2003, en pleine épidémie de pneumonie atypique, le Sras. Ce qui rendait la ville encore plus mystérieuse et hors du temps. Ce roman raconte l’histoire de l’amour impossible entre un jeune médecin et une petite marchande qui vend des souvenirs autour du lac Hoan Kiem. L’histoire se passe alors qu’une maladie à l’origine indéterminée provoque des morts au sein de la population.
Comment se déroule votre travail d’écrivain au quotidien ?
J’écris le matin, plutôt dans les cafés, de préférence à l’atmosphère assez calme, mais où il y a un peu de vie. L’écriture est déjà une activité solitaire, alors si on l’a pratique chez soi, on se sent coupé du monde. Dans un café, je suis plus concentré sur mon sujet. Je n’ai pas la tentation comme je peux l’avoir chez moi de prendre un livre ou d’allumer la télévision.
Poursuivez-vous votre activité de psychothérapeute en parallèle à votre carrière d’écrivain ?
Non, depuis 2008, j’ai cessé d’exercer en tant que psychiatre. Mon métier d’écrivain me prend beaucoup de temps. J’ai aussi un mode de vie un peu nomade entre la France et l’Asie, difficilement conciliable avec la psychiatrie. Celle-ci ne peut se pratiquer comme un simple hobby ou en amateur.
Propos recueillis par LB (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) vendredi 12 juillet 2013