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"BARREZ-VOUS" - Les Français doivent-ils apprendre l'expatriation ?
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Éric Boss
Messages : 576 Date d'inscription : 21/09/2012 Age : 61 Localisation : Là ou je suis :)
Sujet: "BARREZ-VOUS" - Les Français doivent-ils apprendre l'expatriation ? Jeu 25 Juil - 13:34
"BARREZ-VOUS" - Les Français doivent-ils apprendre l'expatriation ?
Peut-être vous souvenez-vous de cette tribune parue en septembre 2012 dans Libération, elle s'appelait "Jeunes de France, votre salut est ailleurs : barrez vous !". Rédigée par le rappeur Mokless, le journaliste Mouloud Achour et l'intriguant communicant Félix Marquardt, elle exhortait la jeunesse française à mettre le nez dehors, à rouler sa bosse hors de France. Ce dernier a remis le couvert sur le site du New York Times en juin dernier, c'est l'occasion de mettre à plat les principaux arguments de ce débat récurrent.
Pour bien commencer, il semble nécessaire de présenter Félix Marquardt, celui qui ouvre régulièrement la boîte de Pandore depuis quelques mois. Celui-là même qui crée avec ses amis Mokless et Mouloud Achour le collectif Barrez-vous ! pour encourager la jeunesse de France à voir du pays, à voyager pour mieux revenir.
Félix Marquardt/Vanity FairFils d'une Américaine et d'un Austro-allemand, né en 1975, Félix Marquardt grandit dans les sphères de la "gauche caviar parisienne" selon ses propres mots. Directeur de communication chez International Herald Tribune, il lance à partir de 2009 les Dîners de l'Atlantique, un rassemblement de décideurs internationaux de tous bords. Lui-même américain, il n'est pas un homme d'influence mais plutôt un homme de l'influence. "Lobbyiste mondain" selon Technikart, il est passé maître dans l'art du cocktail dînatoire et du relationnel. Ainsi dit-il c'est en discutant à table avec Mouloud Achour et Mokless, pourtant de métiers, d'origines sociales et d'opinion politique différents, qu'il découvre ce constat terrifiant : les jeunes n'ont pas d'avenir en France. En effet pour lui, la France est détenue par une "gérontocratie centralisée", qui, en négligeant ses jeunes pousses, sclérose le pays au long terme. Les trois provocateurs lancent alors le collectif Barrez-vous !, un appel à l'émigration de masse, un cri du cœur qui fait beaucoup de bruit à la parution de la tribune dans le quotidien Libération en septembre 2012.
La résonance de la tribune est surprenante, mais le message est souvent mal compris. Il ne s'agit pas de s'enfuir, mais de s'ouvrir l'esprit, de faire ses armes à l'étranger en surfant sur la vague de la mondialisation, pour revenir plus fort, plus mature. Le célèbre dicton résume bien la chose, "les voyages forment la jeunesse". Une expatriation enrichissante à l'heure de la mondialisation, juste de quoi s'éveiller au monde, comprendre de quoi il est fait, s'écarter des "petits débats gaulois" qui nous aveuglent. Voilà peu ou prou le discours tenu par Félix Marquardt, autant via le collectif Barrez-vous que sur le New York Times. Cette dernière initiative est d'ailleurs tout aussi étonnante que révélatrice.
En effet, pourquoi publier dans un quotidien américain, la tribune dont le public destinataire est français ? Pour deux raisons, la première est intéressée : ces "prises de positions publiques donnent une ligne éditoriale à ce qui ne saurait être qu'une boîte à relations presse". De la promotion pour son propre business, le communicant ne perd pas le nord. La seconde raison apparait dès les premières lignes de l'article du New York Time :
"The French aren’t used to the idea that their country, like so many others in Europe, might be one of emigration — that people might actually want to leave. To many French people, it’s a completely foreign notion that, around the world and throughout history, voting with one’s feet has been the most widely available means to vote at all".
"Les Français ne sont pas faits à l'idée que leur pays, comme tant d'autres en Europe, puisse être une terre d'émigration - que certains aient véritablement envie de partir. Pour beaucoup d'entre eux, il est totalement saugrenu d'imaginer qu'autour du monde et à travers l'histoire, voter avec ses pieds soit le meilleur moyen de voter". (L'expression anglophone "to vote with one's feet" peut se traduire littéralement en français, "voter avec ses pieds" signifie alors marquer son désaccord par un départ).
Ainsi l'expatriation n'est pas un talent français. C'en est même une lacune. Une tare difficile à assumer. L'Histoire le confirme, tout comme le traitement réservé à nos plus célèbres émigrés. Il n'est pas nécessaire de revenir ici sur l'affaire Depardieu ou sur la fameuse une de Libération sur Bernard Arnault du 10 septembre 2012 (une semaine après avoir publié la tribune Barrez-vous). Les français de l'étranger ont trop souvent une mauvaise image, exacerbée d'ailleurs par les rares cas d'exils fiscaux. C'est notoire, les grandes fortunes et les success story ne sont pas bien vues en France, un complexe également décrié par Félix Marquardt qui affirme, fier de son américanisme, "l'aversion française systématique à l'argent, au capital, à l'entreprise n'est plus la mienne".
Ce Soir ou Jamais du 11/09/2012 - entre 34'50 et 54'20
Des propos qui trouvent étrangement écho chez O livier Besancenot. Tous deux invités sur le plateau de l'émission de débats Ce Soir ou Jamais animée par Frédéric Taddeï, l'ancien porte parole du NPA réagit : "la tribune m'a parlé parce que j'y ai vu l'éloge d'une certaine forme d'internationalisme. L'idée que la seule patrie que l'on reconnaisse est celle de l'humanité". Les jeunes ainsi avides d'expériences, veulent goûter cette mondialisation car pour eux en France, "c'est plié" s'écrient en cœur les deux intervenants.
JEUNES DIPLOMÉS – L’exode ?
On estime qu'aujourd'hui un étudiant en école de commerce sur cinq part à l’étranger une fois ses études terminées, et un sur dix en école d'ingénieurs. D’où vient cet engouement ? Faut-il s’en alarmer ?
Et les jeunes dans tout cela ? Qu'en pensent-ils ? La lettre ouverte de Clara G. publiée sur lepoint.fr le 2 mai dernier semble en totale adéquation avec le collectif Barrez-vous. La jeune étudiante en histoire adressait à François Hollande ses craintes quant à l'avenir étroit que lui réservait son pays natal. Pour elle, une seule option est envisageable, l'expatriation. Le Monde confirme ces ces appréhensions dans une étude menée en Europe auprès des lecteurs.
Reste une chose à faire, apprendre. Apprendre l'expatriation à la France et à ses jeunes, leur inculquer cette culture si précieuse de nos jours, et dédramatiser l'émigration. Partir pour mieux revenir, c'est peut-être la seule leçon à retenir de cet tribune outre-Atlantique. Souvenez-vous des mots de Dorothy après son aventure - ou peut-être devrais-je dire son expatriation - dans le pays d'Oz, "there's no place like home".
David Attié (www.lepetitjournal.com) Mardi 16 juillet 2013