Sur rendez vous seulement, un musée privé et secret, réservé a des passionnés d'art .... sujet tabou au pays du sourire !
L'art érotique a une longue histoire en Thaïlande. Des scènes érotiques figuraient parmi les peintures de la vie quotidienne et ce n'est que plus tard, en raison de l'influence occidentale, que cet art fut considéré comme déviant et banni. Un collectionneur s'est attaché à la sauvegarde de ces pièces devenues exceptionnelles et nous a ouvert les portes de son royaume privé voué à l'érotisme.
Uthaiphun Charuwattanakitti est le propriétaire d'un condominium plus tout jeune, sans luxe ostentatoire, niché au fond d'un soï de l'avenue Sukhumvit. Il nous reçoit dans son bureau sans fenêtre où trône sur un autel grandeur nature un magnifique boudha aux nagas d'influence khmère. Un coup d'oeil rapide dans le couloir nous reinseigne sur la collectionnite aigüe du Monsieur : il est tapissé de tableaux et de vitrines consacrés à la pratique de l'amour dans tous les sens. C'est ça le Kamavijitra, littéralement "l'art de faire l'amour".
Uthaiphun Charuwattanakitti, descendant d'une famille chinoise qui a fait sa fortune avec la farine de tapioca, est conseiller en investissement et directeur de l'IRDEE, un institut de recherche et développement pour la Thaïlande, la Chine et l'Asie. Mais sa grande passion est l'art érotique sous toutes ses formes : peintures, scultures, poteries figurant des scènes d'actes sexuels aux positions inspirées du Kamasoutra et aux personnages aussi bien hétéros, homos que zoophiles ou issus de la mythologie. C'est pourquoi Uthai a décidé de créer son propre musée privé, agrémenté de quelques idées assez surprenantes, mais ô combien exotiques et intérressantes pour nous, ignorants farangs des douceurs de l’érotisme à la sino-thaïe… Ce collectionneur invétéré possède plus de deux mille pièces, dont la plupart datent de 100 à 200 ans, collectées depuis 35 ans auprès de particuliers ou de bonzes dans les villages de la campagne thaïlandaise, mais aussi au Laos et au Cambodge. L’homme est aussi, dit-il, un amateur de fossiles de dinosaures. Nous n’en verronscependant pas trace lors de notre visite, le mélange des genres n’ayant peut-être pas été jugé nécessaire...
En sortant du bureau, nous nous attardons sur les œuvres du couloir. Certaines sont magnifiques, au dessin délicat, presque toutes anciennes. De nombreuses figurines, «des antiquités de grande valeur», précise le collectionneur sont exposées derrière des vitrines. A un étage supérieur, nous pénétrons dans une pièce moquettée de rouge aux lourds meubles sculptés de style thaï. Une scène accueille de petits spectacles érotiques de cinq à six minutes que nous avons pu visionner sur l’I-phone du propriétaire. Les modèles, aux corps voluptueux, sont des étudiantes en art de l’université Silapakorn, nous explique Uthai. Elles exécutent une danse seins nus, à l’érotisme subtil mais efficace, loin des gymnastiques des gogo girls. Le décor plonge le spectateur dans la période Ayuttaya, lorsque les maris partis guerroyer laissaient leurs épouses à des jeux de plaisir solitaire, la monogamie étant de rigueur en ces temps là…
Deux grandes pièces attenantes, l’une avec une grande table et des coussins style kantoke, l’autre plus typiquement de style chinois avec sa grande table ronde, attendent les convives pour un dîner «aphrodisiaque», précise le propriétaire des lieux sans élaborer. Un musée qui cache en fait un concept plus surprenant: les groupes de VIP ont droit, pour un forfait de 30 000 bahts, à un « package érotique » comprenant la visite du musée – dont une reconstitution « son et lumière » de scènes porno-érotiques dans un décor d’époque révélant dans chaque pièce un couple de cire grandeur nature enlacé dans des positions acrobatiques que l’on observe furtivement dans l’entrebâillure d’une porte, le repas aux vertus aphrodisiaques et le minishow en chair et en os, «toujours dans un esprit artistique» insiste Uthai, où hommes et femmes à moitié dénudés s’adonnent à des plaisirs suggestifs censés reproduire ce qui se passait dans les maisons du Siam.
Bref, un musée moderne mais «pas pour autant interactif», précise toutefois notre hôte qui finit cependant par expliquer qu’une surprise – tout ce qu’il y a de plus sensuel et gourmand – est proposée à la fin du show. Une expérience culturelle originale et régionale somme toute, ni racoleuse, ni vulgaire, qui peut même se prolonger pour la nuit si le cœur (ou lecorps) vous en dit. Pour quelques milliers de bahts de plus, vous pourrez partager,avec votre compagne ou compagnon, l’une des cinq chambres du « musée », plus surprenantes les unes que les autres, réservées aux amateurs d’érotisme, de« nouvelles découvertes » ou aux couples en lune de miel. Une chambre au décor thaïlandais d’époque avec un lit palanquin, pièce magnifique de 150 ans, une autre de style birman avec sa véritable peau de tigre, une chambre « chinoise » et deux autres plus modernes, toutes agrémentées d’étranges équipements (banc, balançoire,trapèze…) utilisés jadis pour pimenter les débats amoureux, copies conformes de ce qui peut être observé sur les tableaux du musée.
Etrange histoire que ce lupanar-musée,cette invitation aux jeux érotiques dans un endroit pour le moins inhabituel. Preuve de la réputation du lieu et du concept, Uthaiphun Charuwattanakitti accueille sur rendez-vous uniquement tout le gratin de la société civile – hommes d’affaires, diplomates, politiciens et autres célébrités – dont une forte clientèle de Chinois. Car Uthai est très connu comme collectionneur en Chine et serait même,selon ses dires, le plus grand collectionneur d’art érotique du Siam dans le monde. Mais si sa célébrité semble dépasser les frontières du royaume, il fait dans son pays profil bas, le sexe, sous quelque forme que ce soit, restant un sujet tabou en Thaïlande…
MARTINEHELEN (AVECMALToC.)
www.kamavijitra.com
source : Martine Helen | Gavroche | 03/02/2013